Origine du konpa

Au milieu des années 1950, les villes d’Haïti, en particulier Port-au-Prince, sont le foyer d’une scène musicale florissante concentrée dans les hôtels et boîtes de nuit. Scène qui se popularise avec le développement du réseau de stations de radio sur l’ensemble du territoire haïtien, et dans une moindre mesure avec l’industrie naissante du disque.

Haïti est aussi une destination régulière pour les musiciens de la Caraïbe en tournée dans la région, de même que pour un certain nombre de jazzmen américains.

Et à l’été 1955, Nemours Jean-Baptiste lance sa nouvelle musique et danse au club Aux Palmistes, dont il dirige l’orchestre.

NEMOURS JEAN-BAPTISTE

Nemours Jean-Baptiste nait dans une famille de la classe moyenne de Port-au-Prince le 2 Février 1918.
Il apprend la guitare, et le banjo avec Barrato Destinoble dans la ville des Cayes. Et à Port-au-Prince, il prend des cours de guitare et de saxophone avec Victor Flambert.

Au début des années 1940, il intègre le Jazz Guignard et le Conjunto International, où plus tard il rencontrera son futur partenaire et rival Wébert Sicot.

Nemours est une des vedettes du Trio (plus tard Orchestre) Atomique, du nom de son chanteur Djo Atomique (de son vrai nom, José Laveau). D’origine dominicaine et haïtienne, ce dernier s’est spécialisé dans le répertoire cubain et dominicain.
Vers 1952, Nemours quitte l’Orchestre Atomique. En 1953, il fonde son propre orchestre au club Aux Calebasses.

C’est à Raymond Gaspard, le guitariste de Nemours, que l’on doit le terme compas-direct (konpa-dirèk en créole, plus tard réduit à konpa). Cette étiquette commerciale associée au nouveau son du groupe signifie, en gros, « battement (rythmique) droit, carré ».

Orchestre Nemours

Le konpa-dirèk est la première musique haïtienne à évoluer dans un environnement
complètement commercial.

Dans ses premières années, il fait face à de nombreuses critiques venant de nationalistes culturels, pour son orientation populaire, ses influences dominicaines, et pour ce qui leur semble être une innovation purement commerciale.

Si la classe moyenne urbaine est le coeur du public de la musique konpa, Nemours s’efforce à le diversifier. Le vendredi soir, il joue pour les adolescents des zones urbaines, le samedi soir pour l’élite à Cabane Choucoune de Pétion-Ville, le dimanche pour les classes moyennes Aux Calebasses ou Sous Les Palmistes, au carnaval pour les classes populaires, et enfin dans les provinces lors des fèt patwonal (fêtes de saint) et autres fèt chanpèt (fêtes paysannes).

En 1958, à l’occasion d’un concert à la discothèque Palladium (à Carrefour), Nemours rebaptise son groupe l’Ensemble Nemours Jean-Baptiste (puis en 1963, le Super Ensemble Nemours Jean-Baptiste). A cette période, le konpadirek est le style le plus populaire d’Haïti, et sur le point de devenir la nouvelle danse nationale du pays. Nemours Jean-Baptiste avait pour réputation de dire : Dépi ou konn maké pa, ou toujou sou konpa (Dès que tu sais marcher, tu es toujours en konpa [dans le groove]).

Par Dr Gage Averill
Docteur en ethnomusicologie, spécialiste des musiques populaires haïtiennes,
professeur et doyen à la Faculté des Arts de la University of British Columbia (Canada)
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